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22 juin 2015

blinding light.

Hello les gens !


Désolée pour les quelques rendez-vous manqués la semaine dernière, je tâcherai de faire au mieux dorénavant. J’avoue avoir eu un peu la tête ailleurs, mais je reprends du poil de la bête pour tenir ce blog d’une main de fer ! Pour revenir en douceur, je voulais juste poster l’un de mes extraits solitaires. J’espère qu’il vous plaira, bonne lecture ! 


chapitre premier,

Elle a le sourire fragile, Abbey. Parce qu’elle a longtemps vécu dans ses rêves en coton, bercée de mille illusions. Petite poupée de campagne qui a rêvé de grandeur, elle a mis au feu la simplicité pour vivre sa belle chimère dorée. Des paillettes dans les cheveux, des étoiles plein les yeux. Le bonheur, pour elle, il n’est question que d’espoirs de grandeur… 


Une vie rangée, bien dessinée, ça ne l’a jamais vraiment tenté. Aventurière dans l’âme, elle a couru après l’inconnu. Et, dans le fond, c’est le souvenir de tante Penny qui l’a guidé jusqu’ici. Elle l’a revoie encore, merveilleuse, tout simplement heureuse. Avant la maladie, avant le début des ennuis. Patins au pied, faisant la promesse de ne jamais s’arrêter, tante Penny a lutté. Elle n’a jamais aimé que cela, dans la vie. La glace, les lames de rasoirs qui dessinent des courbes sur le verre givré et la sensation grisante de s’envoler. Tante Penny elle a dit que, dans sa vie, y a que la glace qui lui a permis de rester debout. Que malgré les écorchures, les blessures, les fêlures sur sa peau pâle, elle ne s’est jamais sentie aussi bien que sur ce vieux lac gelé. Celui qui n’est qu’à quelques foulées, celui qu’Abbey aperçoit depuis la fenêtre de son petit grenier. Longtemps, elle a refusé de s’en approcher. Interdite, elle a observé plus de mille fois les enchaînements que sa tante a exécuté. On l’a condamnée à regarder, à ne pas trop s’y intéresser. Tante Penny, elle a été trop simple d’esprit pour être comprise de sa famille. Ne deviens pas comme elle, chérie. C’est ce qu’on lui a dit. Une fois, deux fois, trois fois. Le patinage c’est joli mais c’est une passion, pas une vie. Mais Abbey, elle n’a jamais été vraiment d’accord. En regardant tante Penny, elle a compris que la passion, ce n’est pas l’unique raison. Il y a de l’amour dans chaque saut, de l’espoir dans chaque pas et un peu de rêve dans chaque pirouette. Pourtant, elle a dit d’accord, Abbey. Pas de patinage, ce n’est pas une vie. Elle a choisi une voie, la médecine pourquoi pas. Un petit ami du nom d’Henry, qui l’ennuie. Et elle a fermé les yeux sur tante Penny. Sur son art, sur la magie et sur ce lac qu’elle a souvent foulé en secret. Jusqu’à ce qu’elle s’endorme, celle qui aimait tant la vie, pour sombrer dans la nuit. Tout a été différent, depuis.

La vie, elle n’est pas infinie. Parce que cette réalité la frappée, si violemment qu’elle a  longtemps hiberné, Abbey a grandi. Elle a réalisé que, ce qu’elle a toujours attendu de la vie, c’est ce que sa tante lui a appris. Patiner droit devant, sans jamais s’arrêter, se couper le souffle au rythme des retournements. Patins aux pieds, elle a titubé dans son coin. Perdue sur son lac gelé, elle a progressé sans rien demander. Talentueuse de nature, elle a excellé dans tout ce qu’elle a entrepris. Pirouettes, sauts, retournements et pas quels qu’ils soient, rien ne lui a résisté. Son père n’a pas apprécié, sa mère a discuté, Abbey n’a rien écouté. Elle a continué à danser sur sa patinoire de fortune, elle a chuté sans s’arrêter, elle est devenue une artiste avérée. Elle a pourtant continué de travailler, d’étudier, de fréquenter Henry sans y penser. Elle s’est lassée de tout, n’a plus pensé qu’à patiner. Elle s’est plantée, l’a plaqué, à continuer de glisser sur la glace. Douée, on l’a dite douée. Rêveuse, un peu absente parfois. Distraite, indifférente, presque insolente dans sa grâce facile. Il lui a manqué la discipline, à Abbey. Pour être parfaite, étincelante. 

Mais le jour où ses patins ont foulés le championnat régional, comme ça, pour s’amuser, sa vie a changée. Là, dans la foule, un entraîneur qualifié. Abbey n’y a pas songé, elle voulait seulement s’amuser. Elle a patiné. Les chassés, les croisés, les choctaws, les boucles, les Lutzs, les Axels. Tout y est passé, elle n’a rien oublié. Dans sa bulle bien soignée, elle a exécuté son rêve enchanté. Le reflet exact de l’enchaînement qu’elle a vu mille fois répété par une tante entraînée. On l’a applaudie, bien notée, elle a été comblée. Elle n’a toutefois pas gagné. Pas assez technique, encore un peu maladroite, prometteuse toutefois. Puis, il s’est pointé. Dan. Avec son assurance, ses belles promesses et l’envie de entrainement. Abbey, elle n’a pas compris. Parmi toutes ces filles plus douées, plus belles, mieux entraînées, c’est vers elle qu’il s’est tourné. Sa passion a fait sa force, sa réussite. Elle a demandé du temps, de la réflexion, un moment pour réaliser. Son père a refusé, il n’a pas voulu la voir s’envoler. Un autre endroit, une autre vie, loin de tout, loin d’ici. Son cœur a pleuré une perte qu’il a deviné inévitable. Sa mère a compris, elle a dit oui. Sans se poser de question, sans tergiverser. Elle a parlé de bonheur, de mérite et de volonté. Abbey a tangué. Entre le oui, le non. L’indécision. C’est le visage de Dan James qui l’a décidé. Elle a vu dans son regard une promesse sans faille. Elle a vu l’avenir se profiler, s’esquisser à la craie de ses songes. Elle a souri, elle a dit oui. Et le rêve a commencé…

Elle s’est battue. Souvent. Contre elle, contre lui, contre eux. Trop de travail, trop de pression, trop de chutes. Elle s’est éraflée la peau, consumée la chair, brisé les os parfois. Elle s’est relevé, a recommencé, encore et encore. Elle est tombée encore, elle s’est énervée, elle a voulu tout planter là. Il l’a retenue. Une main sur son bras à suffit. Pour la garder, la remotiver, la pousser au-delà de ses limites. Elle a excellé, atteint le sommet de son art, toujours mieux, toujours plus vite, toujours plus gracile. Ils ont fait la paire, il est devenu un prolongement de ses jambes parfois devenue trop lourdes pour avancer. Il a été l’étincelle dans ses yeux quand la force lui a manqué, il a été les cris de victoires quand l’échec s’est immiscé, il a été sa solution à chaque problème. Dan lui a appris plus que le patinage, il lui a appris la vie. Plus que tante Penny, plus que ses cahiers, plus que tout ce qu’elle a côtoyé. Comment frôler l’échec mais s’en relever. Comment perdre mais ne pas abandonner. Comment avoir mal mais ne pas y penser. Comment s’esquinter jusqu’à ne plus rien ressentir. Mais aussi comment faire confiance les yeux fermés. Sa vie entre ses mains. Son corps tel un pantin. Abbey, elle lui a tout donné. Le meilleur de son être, tout le temps, le pire, souvent. Elle a oublié son lac gelé pour cette patinoire de banlieue. Elle a effacé ses vieilles manies, ses tics et puis aussi ses expressions traîtresses de mélancolie. Elle a appris à sourire sur patin, à dompter sa chevelure, à porter un collant parfois trop serrant. Avec Dan, elle a patiné les yeux fermés. Confiance aveugle au programme qu’il lui a destiné, elle a fait ce qu’elle a pu pour le contenter. Parfois en vain, parfois avec de la réussite. Mais il l’a portée. Jusqu’au sommet. Essais après essais, elle s’est fait remarquer, applaudir, admirer, chérir. Elle a connu l’égérie de la gloire, la jalousie de la réussite. On l’a dévisagée sur la glace, comme on l’a applaudie dans les gradins. Dan a toujours été là. Jusqu’au bout.

Ce bout de rêve qu’elle n’a pas vu se finir. Comme si la lumière, d’un coup d’un seul, s’était éteinte. Abbey, elle se souvient de tout, ou presque. Sourire aux lèvres, elle a exécuté le plus parfait des programmes. Comme souvent en compétition, elle s’est surpassée. Les notes sont tombées et Dan a souri. Elle a cru avoir réussi. Pour un sourire de Dan, elle aurait fait n’importe quoi. Persuadée qu’il est le plus difficile à convaincre, une simagrée de sa part et elle devine la réussite de sa performance. Ou son échec. Mais ce n’est pas le cas, cette fois. Confiante, elle retourne vers lui, observant d’un œil distrait les autres concurrentes, écoutant avec attention les dernières recommandations. Son programme libre, elle le connait sur le bout des doigts. C’est sa plus belle réussite. Un peu de tante Penny, un peu de Dan et puis un peu d’Abbey aussi. Un peu de tout ce qui l’a construit. La crainte de l’échec, elle n’existe même pas. Elle sait qu’elle peut y arriver, qu’elle va y arriver, qu’importe les difficultés. Ses parents sont assis quelque part dans la foule, elle le sait, ils ont écrit. Nous sommes fières de toi. Voilà les mots qu’elle a gravés en lettre d'or à l’intérieur de son cœur. Elle y pense alors que les dernières secondes s’écoulent avant son passage. Elle sent les mains de Dan se poser sur ses épaules, avec force et douceur. Elle sait qu’elle doit écouter ce qu’il dit, qu’elle ne peut plus faire la fine oreille, mais Abbey est sur une autre planète. Elle fixe ses lèvres qui remuent, elle acquiesce mais elle n’entend rien. Elle s’en fiche. Tout ce qu’elle veut, c’est grimper sur la glace pour exister enfin. Pour faire la seule chose qui l’ait jamais contenté. Pour ressentir le bonheur irrationnel d’avoir trouvé sa voie et de ne plus vouloir la quitter.

« Vends-leur du rêve, Abbey. Comme à l’entrainement. »

Cette phrase, elle l’a bien entendue. La voix de Dan danse dans un coin de sa tête. Elle veut qu’il soit fier d’elle, elle veut que, ce soir, en allant se coucher, il se dise qu’il n’a pas fait une erreur en la prenant sous son aile. Elle veut qu’il l’aime pour ce qu’elle fait mais aussi pour ce qu’elle est. Abbey patine. Avec grâce, avec aisance. Elle enchaîne ses pirouettes et ses pas avec facilités. Les sauts aussi, ils sont simples à exécuter. Ou presque. Son cœur commence à s’agiter. L’heure du triple Axel à bientôt sonné. Elle est nerveuse, empressée. Elle sait qu’elle peut le réussir, elle l’a fait à l’entrainement. Plus d’une fois. Elle est tombée souvent, s’est foulé le poignet quelques fois, mais ça ne compte pas. Elle n’a pas le droit à l’erreur, pas le droit de se planter. Tout dépend de ce saut, elle le sait. Ses pas s’accélèrent sur la glace, elle dérape légèrement sur la carre de départ et s’élance. Mais à ce moment précis, Abbey sait qu’elle s'est plantée. Une erreur dans le synchronisme, son dérapage non contrôlé, elle va s’écraser sur le sol. Ses jambes se croisent pourtant dans les airs, cherchant à faire bonne figure jusqu’au moment de l’impact. Elle pense à Dan. Il a dû le remarquer. Elle imagine le regard désolé et agacé qu’il porte sur elle. Il lui a répété mille fois de ne pas partir trop vite au risque de sentir la lame lui échapper. Dan, il doit tourner le dos pour ne pas voir l’erreur qu’elle s’apprête à commettre. En une fraction de seconde, elle perd sa première place, elle le sait. Et ça semble durer une éternité. Comme si les tours qu’elle fait sur elle-même ne finiront jamais. Abbey, elle a envie de pleurer. Elle a donné sa vie au patinage et, pour une toute petite erreur, pour un moment d’inattention, c’est tout un rêve qui s’envole en fumé. Pas seulement le sien. Celui de Dan, de tante Penny et même de ses parents s’ils ne l’ont pas vraiment dit. Elle pense à tellement de choses qu’elle se demande si le sol est encore loin. Elle veut se reconcentrer, chercher un peu de force pour se rattraper dans une pirouette un peu déviante mais pas totalement faussée mais… Elle sait. 

Le lac glacé depuis son petit grenier, tante Penny en train d’y danser, son père l’interdisant d’y aller. Dan et son sourire insolent, les nouveaux patins qu’il lui a offerts, la glace mal limée qui l’a tant heurtée. Les crèmes glacées de chez Berthy, le moulin à vent de son enfance, la maison de sa grand-mère. Son premier chien, le suivant et puis le chat qui s’est incrusté. Les études, Henry, l’ennui. La glace, la glace, la glace…

Impact
Sa lame s’écrase sur la glace. Son pied dérape. Sa carre se coince dans un creux. Sa cheville se tort. Ses yeux se ferment. Sa tête s’abat violemment sur la patinoire. 
Trou noir.

Ses premiers patins. Ses premiers pas sur la glace. Son premier saut. Sa première chute. Sa première désillusion. Son premier espoir. Sa première participation à un championnat. Sa première rencontre avec Dan. Ce premier regard qu’il a posé sur elle. Les premiers mots qu’il a énoncés et… 

La glace, la glace, la glace… 
to be continued.

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